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La politique du logement de Tung Chee-HwaLa classe moyenne en vue, le social en trompe-l’œil
L’immobilier a toujours été une question sensible à Hong Kong. Toute l’économie y est liée et les plus grandes fortunes du Territoire ont été établies à partir de l’immobilier. Pour les ménages hongkongais, le logement est cher, souvent petit. C’est bien sûr un lieu d’habitation mais aussi et surtout un placement financier. Ainsi, le secteur touche aussi bien la vie quotidienne que la richesse collective des ménages, des entreprises et de l’Etat. Une telle importance de l’immobilier à Hong Kong impose une position privilégiée dans la politique gouvernementale. Tung Chee-hwa, le chef de l’exécutif de la Région Administrative Spéciale (RAS), l’a compris et a donc fait du logement une priorité pour son gouvernement. 45 ans de politique du logement C’est seulement depuis 1953 que le logement a fait l’objet d’une véritable action gouvernementale à Hong Kong. Auparavant, le gouvernement colonial n’intervenait pas et la situation le satisfaisait. L’incendie qui a ravagé un bidonville le jour de Noël 1953, laissant 50 000 personnes sans toit, a précipité les choses et entraîné le début d’une véritable politique du logement à Hong Kong. La Housing Authority, organe administratif chargé de la création et de la maintenance des logements publics, est alors créée. Entre 1954 et 1972, de nombreux logements publics furent construits et les programmes furent alors si importants que fin 1972, près de 45 % de la population était logée dans des Public Rental Housings (PRH), appartements locatifs publics. Le gouvernement, par des actions massives, tentait de légitimer son rôle auprès de la population. En 1972, après 20 ans de développement non planifié, le logement est envisagé plus stratégiquement avec l’arrivée du gouverneur MacLehose. L’expansion économique nécessite une amélioration de la qualité de vie, l’Etat est riche et les zones urbaines commencent à être saturées. Durant cette période, la Housing Authority adopte une politique d’équilibre budgétaire. Elle augmente ainsi les loyers et entame une privatisation du parc en lançant le Home Ownership Scheme (HOS) en 1976. Ce plan prévoit la construction de logements neufs destinés à la vente. Pour construire tous ces logements, l’Etat débute dans le même temps l’aménagement de villes nouvelles dans les Nouveaux Territoires. Enfin, la quatrième époque de la politique du logement à Hong Kong débute en 1987. L’Etat détermine une stratégie décennale qu’il présente dans la Long Term Housing Strategy (Stratégie à long terme pour le logement). En 1988, la Housing Authority devient financièrement indépendante du gouvernement. Cela lui permet de continuer à peser sur les décisions gouvernementales mais lui impose par ailleurs l’équilibre budgétaire. Depuis 1988, le marché immobilier est entre les mains du secteur privé alors que dans le même temps, l’Etat a entamé une politique de privatisation de son domaine. La question de l’habitat sur le Territoire doit cependant être appréhendée dans un contexte particulier. Aujourd’hui, Hong Kong compte 6,3 millions d’habitants, répartis à 48 % dans les villes nouvelles (situées dans les Nouveaux Territoires) et à 52 % dans la zone métropolitaine (île de Hong Kong et Kowloon). Les densités urbaines peuvent dépasser 150 000 hab/km2. 52 % des habitants vivent dans un logement public et 48 % dans un logement privé, 52 % (25 % dans le public et 72 % dans le privé) des ménages sont propriétaires (1). Les prix d’achat et de location des appartements sont parmi les plus chers au monde. Certes les loyers dans le public varient généralement entre 1 200 et 2 000 dollars HK par mois pour un appartement de 40 m2 (2) (un dollar HK = 0,78 F). Mais dans le privé, ils s’élèvent à 8 000 dollars HK environ pour un même type d’appartement. Les prix de transaction sont en moyenne de 50 000 dollars HK/m2 pour le privé. Par exemple, un appartement neuf luxueux de 160 m2 à Mid-Levels (quartier résidentiel de l’île de Hong Kong) a été vendu pour 14 millions de dollars HK. A Tuen Mun, ville nouvelle éloignée de la zone métropolitaine et surtout mal desservie, un appartement moyen de 81,5 m2 a été vendu 2,4 millions de dollars HK (3). Pour payer de telles sommes, de nombreux ménages hongkongais sont endettés et le remboursement de leur emprunt s’élève souvent à plus de 40 % de leur revenu. Malgré 45 ans d’intervention publique, la qualité de l’habitat est encore faible à Hong Kong. Les logements restent parmi les plus petits au monde, l’espace disponible moyen par personne n’étant que de 8 m2 (4). Les appartements ont une taille moyenne de 44m2 (5) avec une nette différence entre le public — 34 m2 en moyenne — et le privé — 52 m2. Le parc locatif public connaît quelques problèmes de surpopulation mais surtout, le parc locatif privé est composé de nombreux petits appartements en mauvais état, loués à des familles défavorisées ou à des personnes seules. Sans oublier les squatters dont le nombre est estimé à 235 000 par l’administration (6). Au regard de ces chiffres, les programmes publics massifs n’ont manifestement pas atteint leurs objectifs. Par ailleurs, ce n’est pas tant grâce au nombre de logements qu’il possède ou construit que l’Etat pèse sur le marché à Hong Kong. Son poids est essentiellement dû au système foncier du Territoire. L’Etat est l’unique propriétaire foncier (seul le terrain de la cathédrale Saint John n’appartient pas à l’Etat). Le droit de jouissance d’un terrain est attribué aux enchères, pour une durée limitée allant de 75 à 99 ou 999 ans. Il suppose en outre le paiement régulier d’une redevance à l’Etat (7). Dans ces circonstances, et compte tenu des réglementations en vigueur sur les autorisations de construire, l’Etat a un véritable rôle de planificateur et de percepteur dans le secteur de l’immobilier. Il vend en effet ce qu’il veut, mais surtout perçoit des sommes considérables. Ces sommes constituent une part importante des recettes gouvernementales et gonflent les réserves (le Land Fund (8) s’élève aujourd’hui à près de 200 milliards de dollars HK). Le secteur privé est dominé par les « big four » (les quatre grandes) : Cheung Kong, Sun Hung Kai Pro perties, Henderson Land Development et Sino Land. Toutes ces entreprises sont des établissements de tout premier rang dans l’économie hongkongaise. Ce sont surtout des conglomérats financiers qui réinjectent les marges obtenues par l’immobilier dans d’autres secteurs. Ces marges ont pu atteindre 50 % durant le pic des prix du résidentiel. Aujourd’hui, elles ne seraient « plus que » de 25 % (9). Les petits promoteurs ont presque complètement disparu à cause notamment des prix d’entrée pour obtenir un terrain et de la chute des transactions et des prix depuis six mois. Autant dire que le secteur immobilier privé est un oligopole composé d’organisations très puissantes non seulement sur le plan économique mais aussi sur le plan politique. L’action en matière de logement établie par le gouvernement s’inscrit dans ce contexte. Trois éléments conjoncturels sont venus s’y greffer. Les prévisions tablent sur une croissance démographique imprévue jusqu’alors. Par ailleurs, le nombre de logements construits par le privé a diminué depuis quelques années. A prix constants de 1990, le rapport entre le nombre de mètres carrés construits par le privé et le PNB est passé de 3 m2/million de dollars en 1990 à moins de 1m2/million de dollars en 1997 (10). Enfin, dans le même temps, la spéculation était très vive. On achetait des logements que l’on revendait avant même qu’ils soient construits. De cette manière, nombre de personnes ont fait fructifier leur épargne. La spéculation était parfois devenue un métier. La crise financière a précipité et focalisé la critique Tung Chee-hwa a annoncé les objectifs de son gouvernement en matière de logement le 8 octobre 1997. Premier objectif : 85 000 logements devront être construits en moyenne par an pendant dix ans ; 35 000 par le privé et 50 000 par le public. Le deuxième objectif majeur du gouvernement est d’atteindre un taux de propriétaires de 70 % d’ici 2007. Celui-ci étant de 23 % dans le secteur public, c’est bien à l’Etat d’accentuer l’accession à la propriété (voir tableau). Des programmes de ventes des logements locatifs publics à leur locataire ont donc été mis en place (25 000 logements de plus de 12 ans vendus chaque année) et la production de logements HOS (30 000 par an désormais) est accrue. Par ailleurs, un vaste programme de prêts à taux privilégié pour l’achat d’un logement a été instauré. On parle aussi de déductions d’impôts proportionnelles aux intérêts payés pour un emprunt immobilier. Enfin, les nouveaux ménages pourvus d’un logement public locatif peuvent l’acheter directement sans l’avoir loué. Le troisième et dernier objectif est la diminution du temps d’attente pour pouvoir louer un appartement public. Actuellement, le temps d’attente sur la Waiting List (11) est de sept ans et le gouvernement envisage de la réduire à trois ans d’ici 2007. Afin d’atteindre ces objectifs, le gouvernement a modifié les processus administratifs relatifs à la construction immobilière et va distribuer plus de terrain (12). Plus de coordination entre les directions, moins d’intermédiaires et plus de rapidité administrative sont au programme. Enfin, le secteur du logement se voit doté de 48,9 milliards de dollars HK — soit une augmentation de 52 % par rapport au budget précédent (13) — dans le budget 1997-1998. Il représente la deuxième dépense (16,9 % du budget global) après l’éducation (14). L’annonce de ces objectifs en juillet 1997 n’a pas fait de vague. Il paraissait clair que le nouveau gouvernement devait avoir une politique du logement volontariste, compte tenu de la situation de l’habitat à Hong Kong. Les critiques ont émergé lors de la présentation de la politique générale en octobre dernier. Elles se sont accentuées au printemps. La chute des prix de l’immobilier s’est poursuivie, le marché est assez atone et les promoteurs ont du mal à vendre leurs logements qui arrivent tous en même temps sur le marché du neuf. En outre, la crise financière aggrave la situation régionale et touche non seulement les ménages mais aussi les entreprises ; chômage, baisse de confiance, taux d’intérêts très élevés. Tout cela, ajouté à la récession annoncée pour le premier trimestre 1998, a entraîné une volée de bois vert contre le gouvernement. Le débat est économique, un tout petit peu politique, quasiment pas social. Ce qui importe, c’est la stabilité économique du Territoire. On accuse le gouvernement d’aggraver la situation en annonçant la mise sur le marché de logements publics à des prix très faibles (en particulier, par l’intermédiaire du programme Tenant Purchase Scheme ; voir carte). Cette mesure affecterait le second marché des HOS. D’où une baisse des prix des logements neufs de type HOS qui toucherait le secteur privé de gamme moyenne à son tour et, par effet « domino », le secteur privé haut de gamme. On l’accuse de réduire encore plus les liquidités en vendant plus de HOS. Mais surtout, on reproche à Tung Chee-hwa de ne pas tenir compte du nouvel environnement économique. La politique du logement manquerait de flexibilité. Malgré ces critiques, les objectifs du gouvernement s’inscrivent dans une certaine logique. Pourquoi une telle politique ? Tout d’abord, le gouvernement devait relancer la production de logements. Le secteur privé construit peu depuis quelques années et il fallait pallier le manque de logements à vendre. Par ailleurs, le nombre de personnes qui attendent d’être logées dans un appartement public locatif n’a pas diminué puisque 150 000 ménages (15) sont encore sur la liste d’attente. Enfin, le nouvel aéroport et les infrastructures qui l’accompagnent sont en passe d’être terminés. Relancer la construction de logement permet de remplir à nouveau les agendas des entreprises de construction du Territoire. La provision d’un plus grand nombre de logements devrait aussi avoir comme impact la stabilisation des prix du résidentiel à Hong Kong. Ils ont atteint un niveau plafond fin 1997 et ont chuté de 40 % depuis. L’objectif poursuivi par les autorités est de stabiliser des prix trop fluctuants. Le fait que Hong Kong reste malgré tout une des villes les plus chères du monde nuit à sa compétitivité. Le gouvernement cherche aussi à se repositionner dans le domaine du logement. Un de ses indiscutables rôles est de fournir un logement aux plus démunis. Les caisses sont pleines (16) et c’est la principale politique sociale à Hong Kong. Or aujourd’hui, l’Etat loge aussi une partie de la classe moyenne dans son parc locatif. Le logement de masse qui permet aux classes moyennes d’accéder au locatif public coûte cher à l’Etat et délaisse les plus défavorisés. Le gouvernement qui souhaite éradiquer ce phénomène a ainsi entamé une politique de privatisation des logements publics depuis une dizaine d’années, qui est accentuée aujourd’hui. La privatisation des logements doit bénéficier au gouvernement de diverses manières. En premier lieu, celui-ci se débarrasse d’une partie de son parc locatif dont la maintenance lui coûte cher. Il focalise ses prestations locatives vers les plus défavorisés. La Housing Authority entame ensuite une opération tout à fait rentable en construisant des logements neufs destinés à la vente. Le HOS est en effet une opération bénéficiaire et un facteur essentiel de sa santé budgétaire (17). Par ailleurs, la Housing Authority, donc l’Etat, tend à occuper une position forte sur le marché du logement grâce à son programme. La part du privé dans le secteur résidentiel va passer de 50 % aujourd’hui à 40 % à terme alors que celle du public devrait augmenter pour atteindre 60 % du parc global. Si ces taux sont atteints, le gouvernement aurait, avec 60 % des logements à son actif, une influence déterminante sur le secteur. Enfin — et c’est peut-être ce que le gouvernement recherche le plus — on a coutume de dire qu’un taux élevé de propriétaires assure une population stable. Les documents officiels eux-mêmes mettent cette idée en avant (18). En supprimant le rôle d’un Etat grand propriétaire, on a diminué ses conflits avec le citoyen-locataire. Un propriétaire est plus « responsable » et protestera moins. On souhaite stabiliser la société hongkongaise. C’est plus sûr pour le développement économique et, en plus, cela rassure Pékin. La classe moyenne, la plus active et la plus susceptible de critiquer le pouvoir central chinois, est en effet la première visée par le programme gouvernemental, en particulier par le massif programme d’accession à la propriété. La politique de Tung Chee-hwa a été établie sous diverses influences. Influence singapourienne, tout d’abord. Il est de notoriété publique que le chef de l’exécutif hongkongais a été impressionné par le système du logement à Singapour et que Lee Kwan Yew l’a inspiré dans ce domaine depuis une vingtaine d’années (19). Chinoise ensuite. Les réformes en cours sur le Continent ont pour axe principal la privatisation des logements. Britannique enfin. La politique actuelle du gouvernement du Territoire ressemble étrangement à celle poursuivie en Grande-Bretagne depuis les années 70 (20). Le pays européen est passé d’un logement public de masse à un programme de privatisation et de résidualisation du parc locatif public. L’effet boomerang Politiquement, le gouvernement risque de sortir affaibli. Depuis son annonce, sa politique du logement reste très mal expliquée et très mal défendue. On parle souvent d’un « nombre magique » en évoquant les 85 000 logements projetés. Le gouvernement a annoncé une politique ferme sans débat préalable et sans véritablement expliquer l’objectif des 70 % de propriétaires à Hong Kong. Une bonne politique doit évidemment tenir compte de son environnement et son application doit s’adapter aux nouvelles donnes. Mais la souplesse actuelle, qui revient à lâcher du lest en faveur des promoteurs et de la spéculation (21), ne semble pas valoriser l’action du gouvernement. C’est une politique de va-et-vient qui discrédite l’action publique. Elle peut certes relancer la construction à court terme mais risque d’être néfaste à long terme. Tung Chee-hwa et son équipe semblent malheureusement incapables de défendre des alternatives à long terme qui tiennent compte des nouvelles donnes sociales et économiques. Il s’agit là d’un véritable problème politique. Le seul argument du gouvernement reste « Home ownership : dreams come true » (Etre propriétaire : le rêve devient réalité) (22). Les discours officiels se contentent de parler de la « fierté » d’être propriétaire de son logement, du profond souhait de chaque ménage d’acquérir son appartement (23). Néanmoins, dans les faits, le gouvernement a entrepris une série de mesures bien plus convaincantes que son discours. Toutefois, aucune d’entre elles ne porte sur les logements locatifs privés qui vont ainsi continuer à se dégrader. Les loyers du secteur public augmentent (24). Les prix des HOS ont été revus à la baisse alors que l’assiette des revenus donnant accès à ce type de logement a été élargie (pour un ménage de 4 enfants, le revenu maximum donnant accès à un logement HOS est passé de 30 000 à 33 000 dollars HK). Enfin, les méthodes utilisées pour le programme TPS (vente aux locataires de logements publics) sont très incitatives, voire coercitives. Le locataire achète son appartement à 12 % des prix du marché la première année, à 21 % la seconde et à 30 % la troisième année du lancement du TPS sur son lotissement (25). En outre, le ménage qui refuse d’acheter son logement, est relogé dans un autre lotissement. Ces dispositions ont été adoptées en dépit du fait que des enquêtes publiques effectuées auprès de la population démontrent que les locataires du secteur public sont en majorité satisfaits de leur logement alors que les logements HOS ne satisfont pas leurs propriétaires. De surcroît, les logements HOS n’attirent que 18 % de l’ensemble des ménages (26). L’effet boomerang est encore plus frappant sur le plan économique. Tung Chee-hwa n’a-t-il pas implicitement reconnu que sa politique affectait le secteur immobilier et finalement l’économie entière en s’entretenant avec les promoteurs au mois de mai (27) ? A Hong Kong, l’immobilier est tellement lié à l’économie que la chute des prix a provoqué un tollé aussi bien dans le milieu des affaires que chez les particuliers qui voient fondre leur patrimoine. Associé à la crise financière régionale, le malaise dans le secteur de l’immobilier ne fait que déstabiliser encore plus Hong Kong. D’une part, les recettes fiscales vont diminuer si le marché immobilier continue à être touché. En effet, les promoteurs, de plus en plus dans l’expectative, risquent de moins dépenser et les revenus liés à la vente de terrains ou de logements vont diminuer (28). Lorsque l’on sait que ces revenus représentent une grande part des recettes budgétaires, on peut aisément imaginer l’impact sur les recettes de l’Etat. Et cette baisse signifie une moindre capacité à développer des programmes immobiliers publics. D’autre part, les promoteurs privés ont pris les devants et ont baissé leurs prix. Ils deviennent presque aussi compétitifs que ceux des logements de type HOS qui sont réputés pour être de bien moins bonne qualité. Si ce phénomène se poursuit, l’Etat devra revoir ses prix à la baisse et les recettes chuteront de ce côté aussi. Socialement, le gouvernement va encore plus clairement dissocier les plus pauvres du reste de la population. Les logements publics locatifs seront exclusivement destinés aux plus nécessiteux alors que la classe moyenne sera orientée vers la propriété dans le public. On va assister à la poursuite du phénomène de résidualisation (29) des logements publics locatifs. En effet, pour favoriser l’accession à la propriété, la Housing Authority augmente les loyers du locatif. Cela va entraîner la migration des classes moyennes vers la propriété et dans le même temps, permettre de loger les plus défavorisées à des prix plus élevés. Le gouvernement, affichant un objectif social de poursuite des constructions de logements PRH, trompe ainsi l’œil de l’opinion. Une telle action peut mener à la disparition d’une certaine mixité sociale dans les lotissements de logements locatifs publics. Seuls les plus démunis resteront dans ce type d’habitation et il pourrait en résulter des problèmes sociaux. Ces populations les plus sensibles seront de surcroît davantage taxées financièrement avec l’augmentation des loyers. La politique du TPS a aussi déstabilisé la population des lotissements publics locatifs. On n’ose plus acheter un logement HOS car on attend de savoir si un TPS atteindra son lotissement. Quant aux récents acquéreurs de HOS, ils ont l’impression d’être lésés. Le marché immobilier semble être une immense loterie et cela ne fait qu’augmenter l’incertitude ambiante. Lorsqu’on sait que pour favoriser la propriété, il faut se trouver en période de plein emploi, d’augmentation des revenus et d’appréciation des prix de l’immobilier, on se rend vite compte que la politique choisie n’arrive pas vraiment à point nommé. Le gouvernement n’a fait qu’accentuer l’attentisme am biant. Attentisme qui n’est pas habituel à Hong Kong. Enfin, le gouvernement, en favorisant la propriété, va accentuer un problème auquel il fait déjà face. Dans leur majorité, les immeubles privés de Hong Kong sont possédés par une multitude de propriétaires (les immeubles étant très élevés en général, il est assez rare d’avoir moins de 20 propriétaires). Or cette multitude de copropriétaires rend les procédures de réhabilitation quasiment impossibles. Ainsi, le gouvernement connaît de nombreuses difficultés à renouveler le tissu urbain. C’est un sérieux manque à gagner en termes de terrain et le problème n’est pas résolu aujourd’hui. Le gouvernement « y travaille » (30) et accentue le problème dans le même temps en vendant d’anciens immeubles locatifs. Par ailleurs, la pression persistante en faveur de densités urbaines très élevées risque de subsister compte tenu du fait que plus de logements vont être construits sans que les superficies de terrains mis en ventes ne permettent le développement de zones à densité moyenne (31). Quelle attitude peut adopter le gouvernement dans un tel contexte ? Face à la critique des médias, à la pression du secteur privé et à la crise économique qui touche Hong Kong, sans soutien populaire, le gouvernement devra certainement réorienter ses objectifs dans les mois qui viennent. Quelles grandes orientations peut-on envisager ? Il peut tout d’abord revoir ses objectifs à la baisse. Ce serait satisfaire les revendications des promoteurs et faire marche arrière. La crédibilité du gouvernement serait dans ce cas durement affectée. En outre, un retour à un statu quo, où la spéculation serait revivifiée, où le système économique serait toujours aussi dépendant du foncier et où les rôles du privé et du public seraient toujours aussi mal définis permettrait peut-être de recouvrer la confiance à court terme. Mais à long terme, cela ne semble pas la bonne solution. Ce n’est satisfaisant ni socialement, ni économiquement. Le gouvernement peut maintenir ses objectifs, voire les revoir à la hausse. En gardant le cap, il atteint le taux de propriétaires souhaité et se débarrasse d’une partie de son parc locatif. En d’autres termes, il met l’accent sur la construction de logements publics pour atteindre une proportion de 60 à 70 % du marché immobilier résidentiel tout en révisant le TPS pour maintenir un secteur locatif social à hauteur de 30 % des logements. Cela signifierait une véritable mainmise du public sur le logement à Hong Kong. Le système territorial serait similaire à celui de Singapour où près de 90 % des logements sont publics. Cela porterait le logement hors de la sphère du marché économique et permettrait une certaine stabilité sociale à condition que l’Etat remplisse bien sa fonction. L’administration aurait en outre un pouvoir absolu en matière d’aménagement urbain. Cependant, cette politique signifie moins d’argent par le foncier pour l’Etat et plus de taxes. Il est peu probable que le gouvernement choisisse cette stratégie. Enfin, Tung Chee-hwa peut revoir les objectifs de constructions publiques à la baisse tout en favorisant ouvertement la construction privée. D’abord par plus de prêts subventionnés, de réductions d’impôts au lieu de constructions directes ; ensuite par une révision du système foncier du Territoire. L’Etat devrait fournir beaucoup plus de terrains (il en a la capacité) et renoncer à nombre de ses recettes liées à leur vente. Cela ne plairait certainement pas à Pékin qui a un œil sur les réserves de Hong Kong, mais aurait l’avantage de relancer la construction privée, de maintenir les prix et d’ouvrir le marché de la construction aux petits promoteurs. Vertueuse économiquement, cette option politique pourrait aussi l’être socialement. Dans ce contexte, le gouvernement ne se cantonnerait plus qu’à la réglementation et au logement des plus nécessiteux, auquel il pourrait consacrer plus d’attention. Ce mode d’action suppose tout de même un changement profond du modèle hongkongais. A savoir que moins de recettes foncières devraient être compensées par plus d’impôts sur les entreprises et sur les ménages. Une petite révolution, en somme. Des questions n’apparaissent pas Il paraît évident en tout cas que le gouvernement doit fournir plus de terrains. La distribution irrégulière de terrains a déstabilisé le marché ces dernières années. Une année, les logements neufs manquent et, l’année suivante, on se trouve face à un surplus de logements mis en vente (c’est ce qui arrive en ce moment). Il ne faut pas par ailleurs oublier le locatif privé. Cette question apparaît peu dans le programme alors qu’elle touche une frange sensible de la population. Des subventions incitatives aux propriétaires (déductions d’impôts sur le montant des travaux, système de conventionnement, etc.) permettrait de favoriser la rénovation des logements et, par là même, d’améliorer les conditions de l’habitat de nombreuses petites gens. Des outils plus appropriés portant sur le renouvellement urbain permettraient aussi de fournir plus de terrain et de réhabiliter des quartiers aux conditions de vie difficiles. Le logement à Hong Kong doit aussi être amélioré en termes de qualité de construction. Aujourd’hui, les logements, souvent de qualité moyenne, vieillissent trop vite. Les matériaux sont en général de qualité médiocre. Y remédier améliorerait les conditions de l’habitat et participerait à un développement immobilier respectant un peu plus l’environnement. Ainsi, face à une pression croissante du secteur privé en faveur d’une révision des objectifs, face à une situation économique qui s’aggrave de jour en jour sur le Territoire et sans le soutien de la population, le gouvernement va devoir faire preuve de plus d’imagination, de plus d’écoute, d’une meilleure capacité à convaincre et d’une ferme volonté. Il faut espérer que cette volonté ira dans le sens de l’amélioration de l’habitat pour tous et en particulier pour les plus défavorisés, que la politique du gouvernement ne sera plus simplement sociale en trompe-l’œil mais qu’elle sera véritablement tournée vers ceux qui en ont besoin.