BOOK REVIEWS

Robert Benewick et Stéphanie Donald : Atlas de la Chine contemporaine

by  Pierre Trolliet /

En 128 pages au format 17 x 24, voici un Atlas de manipulation extrêmement commode et néanmoins porteur d’une masse d’information, sous forme de cartes et d’histogrammes variés et polychromes.

Au total, 35 planches (cartes + histogrammes) distribuées selon six parties : « La démographie » (quatre planches), « L’économie » (dix planches), « Le Parti-Etat » (huit planches), « L’Etat et la société » (neuf planches), « L’environnement » (trois planches), « La Chine en période de transition » (une planche). « Un tableau synoptique des provinces chinoises » y fait suite, comportant la plupart des statistiques qui ont été cartographiées, ainsi qu’un tableau « La Chine dans le monde » avec 18 séries statistiques pour 35 pays. Ce sont enfin 22 pages de commentaires accompagnés d’une bibliographie pour l’essentiel anglo-saxonne mais dont le zèle intempestif de la traductrice a cru devoir traduire systématiquement les titres en français ! Commentaires eux-mêmes pertinents et édifiants, riches d’informations malgré leur relative brièveté — 40 à 60 lignes par planche en moyenne.

Voici le dispositif d’une planche-type avec l’exemple de l’énergie (pl. 11, 2e partie) : deux cartes donnant par province la production annuelle de charbon selon une gamme de couleurs et celle du pétrole brut représentée par des « gouttes d’huile » (c’est ainsi que je crois devoir lire ces petits dessins) d’une taille proportionnelle (?) à la production, production qui, pour plus de sûreté est écrite sous chaque « goutte »… l’autre carte donne par une gamme de couleurs la production annuelle d’électricité avec en plus l’implantation existante et prévue des centrales nucléaires, et la part d’électricité hydraulique. Trois histogrammes agrémentent enfin cette planche : place de la Chine (fin 1995) par rapport aux dix premiers producteurs mondiaux de charbon et d’électricité — ce qui la place au sommet mais n’a pas beaucoup de sens faute d’un quotient par tête ; la consommation d’énergie par composante en % de la consommation totale (1997) avec la place écrasante du charbon (73,5 %) ; le développement énergétique (1997-2000) qui donne la production des quatre principales composantes (charbon, pétrole, gaz, électricité) en 1997 et leurs objectifs pour 2000.

Saluons l’effort de diversification des statistiques utilisées mais, comme dans toutes les publications concernant la Chine contemporaine, c’est le très officiel Annuaire statistique de la Chine (ce « nouveau testament » de la Chine populaire) qui est surtout mis à contribution ; toutefois, et ce n’est pas la cas de toutes les publications — tant s’en faut — les auteurs ont pris soin, dans leur introduction, de poser le problème de la fiabilité des statistiques officielles chinoises, sans pouvoir y remédier pour autant, bien sûr.

Si les auteurs — R. Benewick, professeur à l’Université du Sussex et S. Donald, maître-assistante à l’Université Murdoch (Australie) — font preuve d’une bonne connaissance de la Chine contemporaine, si la traduction de l’anglais par G. Brzustowski est de qualité (malgré les excès signalés), il a manqué une réelle compétence cartographique, et c’est fort gênant, s’agissant d’un Atlas ! Pour s’en tenir à l’essentiel, deux règles élémentaires et fondamentales de la cartographie n’ont pas été respectées, manquement qui rend la plupart des cartes péniblement lisibles et plus proches d’un album de coloriage que d’un Atlas. En effet, transposer des statistiques sur une carte — par province en l’occurrence — c’est d’abord répartir ces valeurs en un nombre de tranches pas trop élevé (cinq ou six) — ce qui a été fait — pour ensuite affecter chaque tranche d’une couleur dont l’intensité dans la gamme doit traduire visuellement la progression des valeurs : c’est cette règle qui a été le plus souvent ignorée au profit d’un habit d’arlequin finalement moins immédiatement lisible qu’un tableau statistique ! Un comble pour un Atlas…

L’autre règle veut que si, au lieu d’une gamme de couleurs — ou en plus d’une gamme de couleurs comme c’est la cas dans cet Atlas — on utilise des figures d’une taille proportionnelle aux valeurs que l’on veut représenter, de telles figures doivent être autant que possible des figures géométriques immédiatement comparables les unes aux autres et non, sauf exception, toutes sortes de petits dessins qui seraient appréciés certes par les petits enfants — mais en quoi un Atlas de la Chine contemporaine pourrait-il intéresser les petits enfants, surtout quand n’y figure même pas le moindre panda ?… En revanche l’occasion d’un saisissant dessin a été manquée sur la planche 22 — « L’Etat contre les citoyens » — où sont cartographiés, par tranche de couleur, le nombre de condamnations à mort par province en 1997 (source : Amnesty International) et le nombre d’exécutions qui est, lui, représenté par une sorte de gerbe jaune (proportionnelle) qui symbolise semble-t-il (?) un coup de feu… mais on dirait tout aussi bien un épi d’orge ! La voilà bien l’occasion manquée de dessiner de saisissantes têtes de mort (proportionnelles) dont l’interprétation n’aurait pas donné lieu à la moindre hésitation !

Procédés cartographiques réellement agaçants et parfois contre-productifs, et c’est bien dommage car voilà sous un format extrêmement maniable, une masse d’informations et un gain de temps si l’on ne fait pas trop la fine bouche sur les vertus du chiffre.