BOOK REVIEWS
Tao Jingzhou, Droit chinois des affaires
On connaissait le Guide juridique et fiscal publié par le Centre français du commerce extérieur et intitulé par ses auteurs, membres du cabinet Thieffry & Associés, Comment vendre et simplanter à Shanghai (1). Dans la série petit guide pratique de la parfaite joint venture ou comment rentabiliser vos investissements en République populaire de Chine, on devra désormais compter sur le très efficace Droit chinois des affaires de Tao Jingzhou.
Après avoir brièvement présenté le contexte politico-économique puis le système juridique chinois, lauteur sattèle à une description minutieuse dun droit évolutif, au caractère disparate et à lapplication incertaine selon une progression en trois étapes : « Larrivée sur le marché chinois », « Lopération daffaires en Chine », « Les voies de sortie en cas de litige ». Chacune de ces parties traite avec précision de questions aussi variées que les formes dinvestissements étrangers et leur fiscalité, la procédure dimplantation, le droit du travail, le droit foncier ou la dissolution des entreprises.
Le chapitre consacré au règlement des différends par larbitrage international (pp. 337-357) mérite que lon sy attarde quelques instants. Essentiellement régi par la Loi du 31 août 1994, larbitrage et notamment larbitrage CIETAC (China International Economic and Trade Arbitration Commission) témoigne en effet de lintégration utilitariste des normes internationales dans le corpus juridique chinois à travers ladoption progressive de notions encore soumises à interprétation comme celles de « différend économique et commercial comportant un élément dextranéité » (shewai et non guoji) ou « dautonomie de la clause compromissoire ». Encadré par des règles adoptées en 1988, modifiées en 1994 puis en 1998, larbitrage de la CIETAC a connu un véritable succès auprès des partenaires économiques chinois et étrangers ce qui place cette commission parmi les instances darbitrage les plus importantes au monde. On remarquera cependant que, si le législateur chinois sest largement inspiré du modèle darbitrage CNUDCI (Commission des Nations Unies pour le droit commercial international), lesprit de celui-ci na pas réellement été conservé puisquun certain nombre de dispositions (composition du tribunal et procédure arbitrale) sen écartent. Spécialiste renommé de la question en qualité darbitre accrédité auprès de la CIETAC et de directeur du bureau de Pékin du cabinet davocats franco-américain Coudert Frères, Tao Jingzhou dresse un panorama complet dune pratique « juridictionnelle » complexe et évolutive. Face à ce que lauteur appelle la « guerre dusure des tribunaux », on déplorera néanmoins labsence de références à une jurisprudence arbitrale abondante mais si peu connue en France (2). Cet apport jurisprudentiel aurait en effet permis de mettre en lumière les difficultés rencontrées dans lexécution des sentences et donc les limites de ce processus dacculturation juridique dans le contexte dune accession programmée à lOMC qui devrait entraîner des problèmes comparables dharmonisation. Il aurait également été souhaitable de faire figurer en annexe les principaux textes encadrant linvestissement étranger ainsi que le nouveau règlement darbitrage de la CIETAC. Labsence de toute bibliographie ou notes de référence est encore plus regrettable.
Rédigé par un praticien du droit, cet ouvrage sadresse définitivement et son prix prohibitif de 820 francs de nous le rappeler « aux investisseurs sur le marché chinois, aux directeurs juridiques internationaux et aux directeurs généraux de sociétés déjà installées ou désireuses de sinstaller en Chine ». Aussi le Droit chinois des affaires atteint-il assez bien lobjectif que son auteur sétait fixé dès lavant-propos : avoir pour seule ambition de « poser de premières idées que dautres sauront rendre brillantes ». Au-delà de cet excès de fausse modestie chinoise, on ne peut que regretter ce choix stratégique en faveur du monde des affaires et au dépens de lunivers académique tant celui-ci souffre déjà du peu de publications en langue française sur le droit chinois. Une bibliographie étoffée, des annexes sous forme de recueils de textes, une approche moins linéaire et plus personnelle aurait pu faire de cet ouvrage une introduction de référence au « droit économique » chinois destinée à un plus large public. Mais sans doute ce marché nest-il pas assez porteur